Souvenez-vous, soldats du 90e R. I. T., des paroles vibrantes d'enthousiasme par lesquelles M. legénéral
NIESSEL saluait à Bellac, le 3 août 1919, les trois drapeaux (138e R. I., 338e R. I., 90 e R. I. T.).« ...Respectueusement, je m'incline devant vos « trois glorieux emblèmes », celui de
votre régiment actif, celui de votre réserve, celui de votre régiment territorial, tous trois parés de la fourragère (fait peut-être unique dans l'armée française).
« J'y vois la preuve, que jeunes et vieux, tout le monde a fait son devoir ; j'y vois la preuve que la
race est bonne à tout âge et qu'elle a donné à la France d'excellents soldats ».
De telles paroles n'ont pas besoin de commentaires ; elles sont le plus bel éloge qui se puisse faire de ces Limousins, Creusois et Charentais, dont le cœur s'est élevé bien haut sous les
plis du drapeau
du 90eR. I. T. 22 mois de front (du véritable).
521 morts. 832 blessés. 880 citations individuelles.
Voilà des chiffres qui ne sortiront jamais de nos m
émoires, car ils disent de ces héros, le
Dévouement, le Sacrifice, la Gloire.
2 août1914.—
Quels souvenirs poignants, cette simple date éveille en nous ! Après quarante-
quatre ans, Français et Allemands se retrouvaient face à face. Pourquoi ? Nul dans nos campagnes ne le savait très
exactement ; mais ce que tout le monde voyait, c'était la France en danger, qui par une grande affiche pla
cardée à la porte de la mairie, appelait tous ses enfants à son secours.
Alors, pendant qu'en un groupe animé les hommes commentaient au dehors le fait brutal, dans la
maison, une épouse inquiète, une mère aux mains tremblantes, fouillait dans le tiroir de la vieille
armoire, puis sortait le livret militaire, on lisait attentivement les premières pages alors comptant
surses doigts, elle murmurait les larmes aux yeux : «C'est samedi qu'il doit partir !
». Mais seredressant bientôt et essuyant ses larmes d'un geste brutal, elle répétait : «
Il partira samedi! ».
Oh ! ces quelques jours précédant le départ : L'homme décidé, calme, achevant un travail urgent,
donnant des conseils, prescrivant les besognes les plus pressantes à faire pendant son absence... la
femme bien courageuse, mais disparaissant parfois pour cacher des larmes ; les enfants moins
bruyants, attentifs à tout.
Le samedi arrivait, toute la famille partait pour aller à la gare. Un dernier baiser, un mouchoir agité
et une femme, seule désormais, n'essayant plus de retenir ses larmes, rentrait au logis vide ; où,
pendant cinq ans, elle devait elle aussi combattre en travaillant, en souffrant.
Jamais la petite ville de Magnac-Laval n'avait vu pareille affluence, les rues étaient noires de
monde ; le petit chemin de fer, tout fier de lui, ne pouvait contenir tous ses voyageurs ; de chaque
route, débouchaient des voitures attelées d'un petit âne ou d'un petit cheval selon l'aisance de son
Historique du 90e Régiment Territorial d’Infanterie
Imprimerie Ussel, A. Bontemps, successeur – Limoges– 1920
numérisation : P. Chagnoux - 2013
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propriétaire et dans lesquelles pas une place n'était disponible ; car, plus favorisés que les autres,ceux qui étaient des environs amenaient avec eux leur famille, pour retarder le plus
possible la séparation.Peu à peu les capotes et les pantalons rouges remplaçaient les habits civils ; et c’est une fouleabsolument hétéroclite qui se pressait à la lecture du rapport,
laquelle avait lieu à un carrefour, sur une place, partout où l’espace était le plus grand possible pour contenir les nombreux assistants : femmes, enfants, militaires et civils. La
lecture du rapport achevée, chacun se dirigeaità travers les rues étroites, vers le restaurant habituel des jours de foire, où se trouvaient les voisins, les amis, les futurs camarades
dans la grande bataille. Chemin faisant, on se montrait le lieutenant-colonel VACHAUMARDqui allait prendre lecommandement du régiment, ses adjoints, les chefs de bataillon :MASSY,
GODERCetDURAND.Au milieu des acclamations, couverts de fleurs, le 3ebataillon du 138e R. I., puis les deux bataillonsdu 338e R. I. avaient successivement quitté la ville. La fanfare
municipale, diminuée chaque jour de quelques-uns de ses membres, s’était épuisée en jouant la Marseillaise, dont l’enthousiasme faisait à la fois frissonner et sourire. Il ne restera pour
le 90e R. I. T. que quelques fleurs et pas de musique. Ces braves n’en demandaient pas tant : le cœur vibrant d’enthousiasme, ils partirent. Les femmes, les enfants accompagnèrent les
bataillons pendant quelques kilomètres sur la route. Le 11 août 1914, le 90eR. I. T. s’embarquait à la gare du Dorat en trois détachements à l’effectif de :
Officiers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ......................39
Sous-officiers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . 162
Caporaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . 187