Les Femmes dans les campagnes

 


Le 7 août 1914, Viviani, le président du Conseil, qui songe à une guerre courte, fait appel aux femmes pour qu'elles achèvent la moisson puis qu'elles entreprennent les travaux de l'automne.

« Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie.
Remplacez sur le champ de travail ceux qui sont sur le champ de bataille.
Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés !
Il n'y a pas, dans ces heures graves, de labeur infime.
Tout est grand qui sert le pays.
Debout ! A l'action ! A l'oeuvre !
Il y aura demain de la gloire pour tout le monde ».

 

14-18. Le magazine de la Grande Guerre, n° 1, avril-mai 2001

 

 

 

 

Le travail repose sur les 3,2 millions d'agricultrices, ouvrières agricoles ou femmes d'exploitants. Les femmes deviennent maréchal-ferrant, garde champêtre, boulangère comme Madeleine Deniou d'Exoudun qui, pendant des mois, fait avec son frère de 14 ans, 400 kg de pain par jour.

Toutes les villageoises travaillent pour le salut de la France. Du fait de la guerre, 850 000 femmes d'exploitants, un bon tiers de celles déclarées au recensement de 1911, se trouvent à la tête de l'exploitation et 300 000 femmes d'ouvriers agricoles ont à charge une famille.

Elles ont de lourdes responsabilités auxquelles elles étaient peu préparées (décider des productions, diriger la main d'œuvre, vendre), sauf sur les petites exploitations des régions pauvres qui connaissaient des migrations masculines plus importantes. En Dordogne, il y a même des cas où elles ont amélioré la valeur de l'exploitation et sont arrivées à payer des dettes antérieures à la mobilisation.

Chefs d'exploitation ou pas, les paysannes joignent aux tâches qui leur étaient traditionnellement imparties une grande part des travaux d'hommes, même ceux qui exigent de la force ou un long apprentissage.

Partout les femmes ont labouré, semé, hersé, fauché à la main ou à la machine, rentré les foins. Des instruments agricoles qui ne leur étaient jamais confiés leur deviennent familiers, comme la faucheuse, la moissonneuse lieuse, la batteuse .

 

Les Femmes et les soldats

  • Les infirmières


40% des mobilisés sont blessés lors de la Grande Guerre.
La puissance de plus en plus importante des armes produites à l'échelle industrielle peut découper les chairs, arracher les membres, broyer les faces, allant jusqu'à la déshumanisation complète des corps, certains étant tout simplement pulvérisés par les obus de gros calibre. Les gaz ont également été meurtriers. Il en résulte des pathologies nouvelles conduisant à une transformation importante de la pratique chirurgicale, et des blessés désormais connus sous le nom de " Gueules Cassées ". Mais il faut aussi évoquer les séquelles psychiatriques de milliers de combattants traumatisés par la violence de guerre.

 

 

De nombreuses infirmières de guerre ont été mobilisées pour faire face à ce flot de blessés. Elles ont été présentes partout et ont fait preuve d'un courage remarquable. Dans de nombreux hôpitaux elles offraient une aide bénévole et dévouée malgré le manque de moyens et de formation.

 

Les marraines de guerre :

 

Au début de l'année 1915 que fut créée " La famille du soldat ", la première association destinée à venir en aide aux combattants. Cette association, fondée entre autres par Mesdemoiselles de Lens et de Vismes, fut parrainée par des personnalités de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie catholique et conservatrice.

Sous la bannière de l'Union sacrée, du nationalisme et de la religion, cette première association encouragea les marraines à entretenir des correspondances avec les hommes du front afin de remuscler le moral de la troupe. D'autres œuvres, comme " Mon soldat ", obtiendront au début les encouragements du ministère de la Guerre. Des journaux parisiens prirent aussi des initiatives devant l'afflux de lettres de soldats qui réclamaient affection et nouvelles de l'arrière.

Cependant, " le marrainage s'étend très largement au-delà des soldats privés de famille et échappe au contrôle des œuvres fondées en 1915. Il se transforme en flirt épistolaire, en une relation sentimentale entre jeunes hommes et jeunes femmes ", explique l'historien Jean-Yves Le Naour.


Exemples de livres sur le lien fort entre les marraines de guerre et les soldats :
Cuenca, Catherine. La marraine de guerre.
Paris : Hachette, 2002. 89 p. (Livre de poche jeunesse)
Etienne, jeune Poilu dans les tranchées, correspond avec une inconnue à qui il confie tout. Mais il lui tarde de mettre un visage sur ce nom…

 

Les « munitionnettes »

   La plupart des hommes en âge de travailler avaient été mobilisés en 1914.
   Au fur et à mesure que s'envola l'espoir d'une guerre courte et qu'on s'engageait dans
une guerre longue et totale exigeant unemobilisation de l'économie, il fallut ramener dans les usines les ouvriers les plus qualifiés, et aussi faire appel à la main d'oeuvre féminine.
   Un certain nombre de femmes travaillaient déjà avant la guerre, mais elles étaient le plus souvent cantonnées dans des tâches considérées comme secondaires.
   Ce qui était nouveau et frappa les esprits, ce fut leur embauche dans les usines d'armement, dont les ouvrières furent bientôt désignées sous le nom de
« munitionnettes ».
   Les « munitionnettes » donnèrent lieu dans la presse à des dessins jetant
un regard nouveau non dépourvu d'humour, sur le travail féminin et le statut de la femme au sein de la famille et de la société.

 

 

L'emploi des femmes dans les usines Renault de Billancourt         

 

Effectif salarié total

Nombre de femmes salariées

% de femmes
au sein du personnel

Janvier 1914

4 970

190

3,8

Décembre 1916

20 157

3 654

18,1

Printemps 1918

21 400

6 770

31,6

d'après 14-18. Le magazine de la Grande Guerre, n° 1, avril-mai 2001.

4/ La pénibilité du travail dans les usines d'armement

   La journalisteMarcelle CAPY, féministe et libertaire, travaille quelques semaines incognito dans une usine de guerre.
   Son témoignage paraît dans
La Voix des femmes entre novembre 1917 et janvier 1918 :

  « L'ouvrière, toujours debout, saisit l'obus, le porte sur l'appareil dont elle soulève la partie supérieure. L'engin en place, elle abaisse cette partie, vérifie les dimensions ( c'est le but de l'opération), relève la cloche, prend l'obus et le dépose à gauche.
   Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus passent en 11 heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg.
    Au bout de 3/4 d'heure, je me suis avouée vaincue.
   J'ai vu ma compagne toute frêle, toute jeune, toute gentille dans son grand tablier noir, poursuivre sa besogne. Elle est à la cloche depuis un an. 900 000 obus sont passés entre ses doigts. Elle a donc soulevé un fardeau de 7 millions de kilos.
   Arrivée fraîche et forte à l'usine, elle a perdu ses belles couleurs et n'est plus qu'une mince fillette épuisée.
   Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête :
35 000 kg ».

14-18. Le magazine de la Grande Guerre, n° 1, avril-mai 2001

    L'appel aux femmes dans les campagnes comme dans les villes pour remplacer aux champs et dans les usines les hommes mobilisés au front n'a pas permis à lui seul de faire face à la pénurie de main d'oeuvre.
    Il a fallu aussi recourir aux
jeunes, aux personnes âgées et aux travailleurs indigènes venus des colonies.
    Après la guerre, la publication du roman de
Victor MARGUERITTE en 1922,
La Garçonne, et le développement de la mode garçonne ( abandon du corset et de la robe longue, cheveux courts, bras nus, ceinture basse, silhouette d'adolescente ) ont pu laisser croire que la 1ère guerre mondiale avait entraîné une révolution dans les moeurs débouchant sur une émancipation de la femme.
    En réalité
ces velléités d'émancipation ont été contenues dans le cercle étroit des intellectuels et de la bourgeoisie éclairée.
    Pour la majorité des femmes, l'après-1ère guerre mondiale s'est traduit par un
retour à la normaleet aux valeurs traditionnelles.
   
Dans une France traumatisée par la saignée démographique qu'avait provoquée la 1ère guerre mondiale, les femmes ont été rappelées à leur rôle d'épouses, de maîtresses de maison et de mères de famille .
   Au recensement de 1921, les femmes au travail n'étaient pas plus nombreuses qu'avant 1914, mais la guerre les avaient fait
accéder à des fonctions de responsabilités.
   C'est ainsi que
630 000 veuves étaient devenues chefs de famille, tandis que le déséquilibre entre les sexes ( 1 103 femmes pour 1 000 hommes ) conduisaient un certain nombre de femmes restées célibataires à se comporter en égales de l'homme.

 

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